dimanche 16 décembre 2018

Pouvoir blasphémer est vital.



Bien qu’athée, je me disais mais quel besoin y a-t-il de défendre ce droit au blasphème, alors qu’il ne me viendrait pas forcément à l’idée de critiquer les dieux de certaines personnes, ou leur droit de croire  même si je trouve cela aberrant  mais explicable sur le plan psychologique  ? Par contre lorsque certains croyants et certains Etats n’hésitent pas à condamner, punir, persécuter les athées, agnostiques et autres libre penseurs, il faudrait se taire et laisser faire  ?

En s’y penchant de plus près, qu’est-ce qu’implique le blasphème au fond ? Ni plus ni moins que des droits fondamentaux : celui à l’expression et celui à la libre conscience. Dans une démocratie vraie, qui peut décréter ce qu’il est permis de dire ou non, si ce n’est le peuple lui-même ? En effet nombreux sont les Etats dans le monde qui continuent à maintenir ou faciliter la mainmise des religions dominantes sur la société, en se faisant le relais servile, le pourvoyeur d’aides matérielles voire le bras armé de ces dernières ? Si la religion se veut un processus privé, une affaire intime, pourquoi l’espace public devrait-il davantage exhiber et favoriser telle ou telle religion au détriment des autres mouvements, religieux, philosophiques ? Pourquoi une telle politique préférentielle ? Et au nom de quoi ? Un Etat juste se doit de se tenir à une neutralité équidistante vis à vis de tous les mouvements liés à la croyance et à la non-croyance.

Récemment l’Irlande, pays à tradition ô combien catholique, a choisi à 65 % d’abroger le délit de blasphème : bravo ! Même s’il y a eu peu de condamnations liées au blasphème dans les faits, ça n’est pas une raison pour ne pas l’abroger explicitement et légalement, car ceci peut vouloir aussi signifier que les gens se censurent en amont, ce qui n’est pas une preuve de santé démocratique en terme de liberté d’expression vous en conviendrez. Avoir le droit de blasphémer renvoie au droit de pouvoir contester le pouvoir, qu’il soit religieux ou politique. Il est indispensable. N’en déplaise à tous les religieux fanatiques, aux impérialistes de la foi, le blasphème n’est pas dirigé contre la foi intime des croyants, au dieu ou à la déité privée en lequel chacun est libre de croire ou non. Le blasphème est dirigé contre la figure publique de dieu, celle qui est instrumentalisée à large échelle et qui avance par pressions, menaces, habitudes insidieuses comme par exemple celle qui me pousserait, si je n’y prenais pas garde à l’instant, de mettre un d majuscule à dieu. Parce que « ça se fait comme ça, depuis toujours ».

La figure publique de dieu repose par exemple sur des textes soit-disant sacrés, mais qui ne sont en réalité sacrés que pour ceux qui les sacralisent. Pas pour les autres. La figure publique de dieu repose aussi sur l’ensemble des bâtiments religieux qui ont essaimé partout dans nos pays, les cloches ou les minarets qui sont imposées même à des oreilles pas concernées, sur des croix posées d’autorité au sommet des montagnes , sur des cours de religion donnés dans les écoles dites publiques, etc. L’emprise religieuse est là depuis très longtemps, ayant fini par se confondre avec le paysage, à faire tapisserie. Aujourd’hui plusieurs pays questionnent enfin la tapisserie, et c’est tant mieux, d’autant qu’en raison des migrations accrues, du voyage des idées mais aussi des convictions, le vivre ensemble doit être favorisé par une posture d’État qui se veut neutre, non complaisante, la laïcité.

J’aime l’idée de pouvoir dire mon désaccord avec une religion, même de façon crue, comme je le fais devant des injustices flagrantes, des comportements débiles, des hommes ou des femmes politiques irresponsables. De savoir que je dispose encore de ce droit me réjouit, c’est la preuve indiscutable que nous sommes toujours en démocratie, cela ne signifie pas pour autant que je vais vomir sur les dieux à tout bout de champ. D’ailleurs, comme ils n’existent pas, ce serait plutôt sur leurs créateurs, les hommes, que je suis parfois tenté de le faire.

PG

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