Bien
qu’athée, je me disais mais quel besoin y a-t-il de défendre ce
droit au blasphème, alors qu’il ne me viendrait pas forcément à
l’idée de critiquer les dieux de certaines personnes, ou leur
droit de croire même si je trouve cela aberrant mais
explicable sur le plan psychologique ? Par contre lorsque
certains croyants et certains Etats n’hésitent pas à condamner,
punir, persécuter les athées, agnostiques et autres libre penseurs,
il faudrait se taire et laisser faire ?
En
s’y penchant de plus près, qu’est-ce qu’implique le blasphème
au fond ? Ni plus ni moins que des droits fondamentaux :
celui à l’expression et celui à la libre conscience. Dans une
démocratie vraie, qui peut décréter ce qu’il est permis de dire
ou non, si ce n’est le peuple lui-même ? En effet nombreux
sont les Etats dans le monde qui continuent à maintenir ou faciliter
la mainmise des religions dominantes sur la société, en se faisant
le relais servile, le pourvoyeur d’aides matérielles voire le bras
armé de ces dernières ? Si la religion se veut un processus
privé, une affaire intime, pourquoi l’espace public devrait-il
davantage exhiber et favoriser telle ou telle religion au détriment
des autres mouvements, religieux, philosophiques ? Pourquoi une
telle politique préférentielle ? Et au nom de quoi ? Un
Etat juste se doit de se tenir à une neutralité équidistante vis à
vis de tous les mouvements liés à la croyance et à la
non-croyance.
Récemment
l’Irlande, pays à tradition ô combien catholique, a choisi à
65 % d’abroger le délit de blasphème : bravo !
Même s’il y a eu peu de condamnations liées au blasphème dans
les faits, ça n’est pas une raison pour ne pas l’abroger
explicitement et légalement, car ceci peut vouloir aussi signifier
que les gens se censurent en amont, ce qui n’est pas une preuve de
santé démocratique en terme de liberté d’expression vous en
conviendrez. Avoir le droit de blasphémer renvoie au droit de
pouvoir contester le pouvoir, qu’il soit religieux ou politique. Il
est indispensable. N’en déplaise à tous les religieux fanatiques,
aux impérialistes de la foi, le blasphème n’est pas dirigé
contre la foi intime des croyants, au dieu ou à la déité privée
en lequel chacun est libre de croire ou non. Le blasphème est dirigé
contre la figure publique de dieu, celle qui est instrumentalisée à
large échelle et qui avance par pressions, menaces, habitudes
insidieuses comme par exemple celle qui me pousserait, si je n’y
prenais pas garde à l’instant, de mettre un d majuscule à
dieu. Parce que « ça se fait comme ça, depuis toujours ».
La
figure publique de dieu repose par exemple sur des textes
soit-disant sacrés, mais qui ne sont en réalité sacrés que pour
ceux qui les sacralisent. Pas pour les autres. La figure publique de
dieu repose aussi sur l’ensemble des bâtiments religieux qui ont
essaimé partout dans nos pays, les cloches ou les minarets qui sont
imposées même à des oreilles pas concernées, sur des croix posées
d’autorité au sommet des montagnes , sur des cours de religion
donnés dans les écoles dites publiques, etc. L’emprise religieuse
est là depuis très longtemps, ayant fini par se confondre avec le
paysage, à faire tapisserie. Aujourd’hui plusieurs pays
questionnent enfin la tapisserie, et c’est tant mieux, d’autant
qu’en raison des migrations accrues, du voyage des idées mais
aussi des convictions, le vivre ensemble doit être favorisé par une
posture d’État qui se veut neutre, non complaisante, la laïcité.
J’aime
l’idée de pouvoir dire mon désaccord avec une religion, même de
façon crue, comme je le fais devant des injustices flagrantes, des
comportements débiles, des hommes ou des femmes politiques
irresponsables. De savoir que je dispose encore de ce droit me
réjouit, c’est la preuve indiscutable que nous sommes toujours en
démocratie, cela ne signifie pas pour autant que je vais vomir sur
les dieux à tout bout de champ. D’ailleurs, comme ils n’existent
pas, ce serait plutôt sur leurs créateurs, les hommes, que je suis
parfois tenté de le faire.
PG
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